« This is my past ... »

« Danse Topaze Danse ! » De mes grands yeux azures je fixais ma mère, du haut de mes quatre ans. Elle était belle et gracieuse, une ballerine de renommer, une ballerine qui ressemblait à un signe, mais ce fut un signe à qui on a coupé les ailes quelques années plus tard. Je suis venue au monde la quatorze février, le jour de la saint Valentin, le jour de la fête des amoureux. Hélas, le visage de mon père je ne le connaissais pas. C'était un jeune homme pauvre et ma mère était riche, une histoire digne d'un roman à l'eau de rose, le fait est que mon histoire c'est plutôt comme pisser dans un violon.


Topaze dix ans.

Je n'ai jamais manqué de rien, ce que je rêvais la nuit, ma mère me l'offrait le jour. J'étais belle, tellement belle que ma mère me faisait poser dans des magasines pour enfants. Mon monde c'était elle et moi, rien d'autre, mon admiration pour elle n'avait aucune limite. Je voulais être danseuse comme elle, je voulais devenir la plus belle ballerine de tous les temps et je travaillais durement pour cela. Jusqu'à ce jour où ma vie bascula du tout au tout. J'étais assise dans la vaste cuisine du manoir familial, vêtu d'une petite robe en dentelle blanche, mes cheveux châtains étaient bouclés à la perfection. Ma mère s'approcha de moi, elle n'était pas seule, un homme qui était grand s'approcha de la fière personne que j'étais. Je plissais mes yeux puis je foudroyais ma mère du regard. « -Ne fais pas cette tête Topaze, c'est un homme charmant tu verras, nous allons être très heureux ensemble n'est-ce pas mon amour... » La nausée, voici ce que cette phrase me donnait, je n'aimais pas cet homme et je n'aimais pas voir ma mère heureuse. « - Ce n'est rien d'autre qu'un chien que tu as ramassé dans la rue maman, cesse de faire l'enfant...je n'ai pas besoin de père. » Avais-je dis fièrement tout en me postant devant le parasite. « -Topaze !!! » Je soupirais doucement avant de tourner sur moi-même et d'aller m'enfermer dans ma chambre.

Topaze douze ans.
Il neigeait, la première fois où j'ai reçu les premiers coups, la première fois où je me suis sentie faible et fragile. Je parlais rarement, très rarement à la maison, je n'arrivais pas à faire confiance à cet homme qui partageait nos vies. Ma mère avait arrêtée de danser pour lui et je ne supportais pas l'idée qu'elle puisse être une femme si soumise, elle qui m'avait élevé seule après avoir coupé les ponts avec ses parents. Si je n'avais pas confiance en cet homme il y avait une raison, chaque soir je le voyais, il me regardait fixement et avant-hier il avait pris de l'argent sans en parler à ma mère. Et lorsque je lui en avais parlé, elle m'avait dit que j'étais une petite fille capricieuse, que mes caprices étaient en partie dû au fait que j'étais une enfant de la haute société. Pourquoi parler ? Lorsqu'on sait que personne ne vous écoute ? J'avais donc pris la décision de rester muette lorsque cet homme se trouvait avec moi, comme cette fois où il neigeait. Nous roulions pour aller jusqu'à mon école, je ne daignais pas lui jeter un regard, ma mère était malade, elle ne pouvait pas m'emmener à l'école. Ce fut donc mon beau-père qui avait eu la mauvaise idée de me conduire là-bas. J'entendais ce bruit agaçant qu'il faisait à l'aide de ses doigts sur le volant de la voiture, mais je ne tournais pas ma tête, au fond j'avais peur de lui. « -Pourquoi tu ne m'aimes pas Topaze ? » Je fermais mes yeux tout en serrant les poings. « Je t'ai vu prendre de l'argent dans le coffre de ma mère, je sais que tu vas voir ailleurs... » Je le savais et pourquoi je ne disais rien, ma mère était vraiment amoureuse de lui et je ne voulais pas lui faire du mal. « -Ah, mais tu te trompes ma petite fille... » Ma tête pivota lentement dans sa direction, il était tellement mesquin. « -Je ne me trompes pas et tu sais je te vois, je te vois lorsque tu me regardes avec tes yeux perverties... » Je n'ai pas eue le temps de finir ma phrase, il m'agrippa par les cheveux, d'une poigne d'homme, du haut de mes douze ans, je ne faisais pas le poids. Ma tête vint se loger contre la vitre, un goût de rouille venait se poster dans ma bouche... Du sang. La coulée de sang partait du haut de crâne, elle passait lentement sur mon front avant de terminer sa course sur mes lèvres. Des larmes coulaient le long de mes joues et ce fut l'unique et la dernière fois qu'une perle salé vint se loger sur ma joue, car jour après jour et coups après coups, j'avais appris à encaisser.

Topaze quatorze ans.
« -Je vais te faire bouffer tes ballerines... » Disais-je d'un air hautain et presque sérieux, à force de prendre des coups et de ne rien dire, j'avais appris à être forte et à me battre pour garder ma place. Ballerine était mon rêve et je donnais tout ce que j'avais pour le réaliser, danser encore et encore jusqu'à ne plus avoir de souffle. L'amour ? Je ne connaissais pas cela et je n'avais pas envie de connaître cela, pour dire vraie ma première fois c'était avec Zac, un type de trois de plus que moi qui était guitariste dans un groupe de rock. Certes, ça faisait un peu groupie, mais je m'en fichais, le fait est qu'au final j'ai pris mon pied dans sa loge sur la table. Pas d'amour, pas de sentiments, pas d'attache, car je ne voulais pas finir comme ma mère, car j'avais la décision de ne jamais laisser un homme se mettre devant moi. « -Cause toujours Stewart... » Mes bras croisés contre ma poitrine. « Et si je disais à notre directeur à qu'elle point tu prends ton pied avec notre professeur de danse Karvers ? Tu penses qu'il le prendrait comment ? Alors, il faut être sage dans la vie Karvers et tu vas me laisser passer la première. » Je rigolais à pleins poumons, si je m'acharnais sur elle, c'était parce qu'elle avait copié ma propre chorégraphie et puis elle se tapait le professeur seulement pour réussir. Personne n'avait le droit de prendre ma place, personne n'avait le droit d'être devant moi, dans la vie c'est détruire ou être détruit et j'avais choisi la première option, que ce soit la bonne ou la mauvaise là n'était pas la question.

Topaze seize ans
« -Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi Topaze ? » Je lâchais un soupir d'exaspération, ma mère roulait beaucoup trop vite, elle grillait des feux tricolores et j'avais l'impression que si elle ne se calmait pas, cela allait empirer. « -Tu ne parles jamais ! Et là, j'apprends que tu te drogues !!! » Je l'a toisé du regard, furieuse. « -Si ton mec ne me frapperait pas, je ne me droguerais pas ! T'as jamais remarqué qu'il se tapait ta voisine ! T'as pas compris le piège ? Si on a plus de frique c'est parce qu'il va le jouer au poker ! » Et je voyais son pied appuyé encore plus fort sur l'accélérateur de la voiture, à cette allure j'étais bonne pour finir dans un mur. « -Tu mens, tu n'es qu'une menteuse comme ton père !!! » Mon regard écarquillait, je fixais le poids lourd qui fonçait sur nous, ma mère me regardait et sans que je ne puisse dire quoi que ce soit, ce fut le trou noir, le néant. Lorsque j'ouvris les yeux, j'avais perdu la notion du temps, personne ne se trouvait à côté de moi, le regard perdu j'enlevais les perfusions qui se trouvaient dans mon bras, me redressant lentement en grimaçant, je posais ma main sur ma jambe droite qui me faisait un mal de chien. « -Mlle Stewart ? » Aucun mot ne voulait sortir de ma bouche, j'avais la gorge sèche et quelques secondes plus tard le médecin entra enfin dans ma chambre, il me força à m'allonger avant de s'asseoir à côté de moi. « -Je suis vraiment désolé, votre mère n'a pas survécu. » Je le fixais droit dans les yeux, un regard vide de sens puis je posais ma main sur ma jambe de nouveau. « -En ce qui concerne votre jambe, il vous sera difficile de faire du sport après cet accident, je suis vraiment désolé...n'avez-vous pas de la famille à contacter ? » Je fermais mes yeux avant d'éclater dans un fou rire, totalement incontrôlable. Je n'avais plus rien, je n'avais même plus de rêve, c'était partie en fumé comme ça, sans prévenir. La vie est une chieuse et le problème c'est qu'on n'est pas assez fort pour lutter contre elle.

Topaze vingt ans

Gandhi disait que tout ce qu'on fait dans la vie est insignifiant mais qu'il est très important de le faire. Cancer du foie, ce fut ce que les médecins ont découverts lors de ma dernière hospitalisation, le soucie est que je suis, selon eux, une droguée aux antis douleurs, mais il y'a aussi la drogue dure que je prends. Le verdict était tombé un matin d'été. J'avais le droit d'être sur la liste des receveurs, mais mon cas ne serait pas traité, ce qui faisait de moi une condamnée. Un choix s'opposa à moi et ce choix je l'avais pris sans même hésiter, il était hors de question que je fasse de la chimio et il était hors de question que j'arrête de me droguer, puisque c'était ce qui m'aidait à tenir lorsque je dansais. La seule solution qui pouvait me sauver était de trouver mon père, mais je ne savais même pas quelle était son nom. L'héritage de ma mère je l'avais donné à mon beau-père en lui demandant de disparaître de ma vie. Mes grands-parents, la dernière fois où ils m'avaient appelés c'était pour me dire de ne pas revenir chez eux. « -Tu sais, une fois tu as dit que dans ce monde il y a ceux dont on a besoin et ceux dont on n'a pas besoin...et bien tu sais grand-père, je vais te dire que tu te trompais, car ce monde n'a besoin de personnes . » Peut importe le nombre de morts, le soleil continuera de se lever et il en va de même pour la lune, la terre tournera autour d'elle indéfiniment, sans arrêt. Et ma vie, quant à elle, elle était déjà tracée, cependant je me suis décidée à me battre pour réaliser mon rêve, même si cela reviendrait à finir drogué, je m'en fichais. Je vis dans un appartement miteux, je suis pianiste dans un bar et escorte girl à mes heures perdues. Au final mon temps libre je le passe à danser ou me droguer.