« Monsieur Wilson, je veux vous voir à la fin du cours »
Le professeur principal de Sacha venait de lui remettre sa copie et les regards de certains de ses collègues de classe se tournaient dans sa direction. Assis au fond de la classe, le jeune n’y faisait même plus attention. Il avait toujours été considéré comme le cancre de la classe. Pour preuve, il avait déjà redoublé une fois et vu les résultats qu’il accumulait cette année, pas sûr qu’il passe au niveau suivant. Il soupirait tandis qu’il découvrait sa note. 2/20. C’était loin d’être fameux. C’était même complètement minable. Pourtant, Sacha n’a jamais été le petit garçon qui détestait l’école, celui qui pleure lorsque sa maman le laisse, celui qui accumule les mauvaises notes, celui qui n’a pas d’amis. Mais depuis un an, beaucoup de choses ont changé dans la vie de l’adolescent.
Écoutant d’une oreille distraite la correction de son professeur de mathématiques, il était plutôt occuper à trouver une excuse. Il savait très bien ce que Monsieur Weasley allait lui dire, allait lui demander. Cela faisait des mois qu’il tentait d’avoir un rendez vous avec la mère de Sacha, sans succès. Le jeune avait de la répartie et savait toujours trouver des raisons plausibles sans que cela n’ait l’air d’un mensonge. Une qualité qu’il tenait de sa mère, sans aucun doute. Tandis que la cloche sonnait et que les autres élèves sortaient presser de rentrer chez eux ou de rejoindre leurs amis, Sacha prenait tout son temps avant de rejoindre à contre cœur, le bureau du professeur.
« J’attend toujours de voir ta mère Wilson. Tes résultats commencent à descendre en flèche.
- Je sais Monsieur mais vous savez, elle travaille beaucoup. Elle doit m’élever toute seule et cumule deux boulots. J’ai bien essayé de lui proposer de travailler aussi mais elle veut que je privilégie l’école.
- Et elle a bien raison. Dit lui au moins de me passer un coup de téléphone »
Sacha avait encore une fois joué la carte de la pitié et cela avait fonctionné à merveille. Il acquiesça en baissant la tête avant de sortir de la salle et de voir son sourire se dessiner sur son visage. Rapidement, il passa par son casier pour récupérer quelques livres avant de sortir de l’établissement.

Mais contrairement aux autres adolescents, pas question de rentrer chez lui, pas question d’aller voir un pote, pas question de s’arrêter au parc pour boire quelques bières. Non, parce que Sacha avait rendez vous avec une fille. Et pas n’importe quelle fille. Il fit un petit détour pour acheter deux pains au chocolat avant de filer à son rendez vous. Quelques minutes plus tard, il pénétrait dans l’hôpital principal de New York. Pas besoin de s’arrêter à l’accueil, pas besoin de demander son chemin, le jeune adolescent savait parfaitement où il devait aller. Après quelques étages en ascenseur, il arrivait devant la chambre 203. Il frappa. Pas de réponse. Il se décida alors à entrer pensant que la demoiselle devait dormir. Alors qu’il fit les premiers pas dans la chambre, il constatait que le lit était vide. Il se contenta d’appeler d’une voix faible et empli de peur.
« Maman ? »
Derrière lui, le grincement de la porte le fit espérer mais ce fut un homme d’une quarantaine d’années, brun, mal rasé, les cheveux en bataille qui venait d’entrer dans la chambre et non une jeune femme blonde en fauteuil roulant comme l’avait espérer l’adolescent. Et à voir le visage d’Aiden, il devinait la suite. Les mots n’étaient pas nécessaires et lentement, sans bruit, les larmes commençaient à couler sur les joues de Sacha.
« Je peux la voir ? »

Le jeune homme ne pensait pas que ce serait aussi difficile de voir sa mère étendu comme cela, blanche comme un linge et couverte d’un drap qui laissait dépasser simplement sa tête. Dans quelques minutes, elle serait mise dans un tiroir comme toutes les autres personnes décédée. Mais là, c’était sa mère, la personne qui l’avait mis au monde, qui l’avait élevé, seule en plus, qui l’avait éduqué, avec qui il avait tant partagé. Il aimait sa mère plus que tout et depuis que son cancer s’était déclaré, Sacha avait peu à peu sombré. Evidemment, Aiden avait été là mais ce n’était pas pareil. Le jeune homme n’avait jamais eu de père mais cela ne l’avait jamais dérangé. Sa mère faisant vraiment tout son possible pour remplir ce double rôle, bien aider par Aiden Clancy, un ami de la famille. Là, il se sentait complètement démuni, abandonné. Il n’avait que dix-sept ans, qu’est ce qu’il allait faire maintenant qu’il n’avait plus de repère, plus la femme de sa vie. Il prit alors sa main dans la sienne et la serra très fort contre son cœur à lui. Il laissait sortir ses larmes. Ce n’était pas dans ses habitudes de pleurer, au contraire, il avait le même caractère fort que sa mère, indépendant, débrouillard et quelques fois menteur et manipulateur. Il avait le même charisme et le même charme que Nancy. Mais il avait toujours besoin d’elle. Lorsqu’elle le prenait dans ses bras et lui caressait les cheveux, il redevenait un enfant. Mais maintenant, il allait devoir prendre sa vie en main, prendre ses décisions. Il avait toujours voulu que sa mère soit fière de lui et il allait continuer. Reposant la main de sa mère sur son corps, il essuya les larmes d’un revers de la main avant de quitter l’hôpital.

Il était resté pendant trois jours chez lui, sans aller en cours, sans répondre au téléphone, sans même ouvrir lorsque le facteur avait sonné à sa porte. Il avait très peu mangé, il n’avait presque pas dormi, il était juste resté allongé dans le lit de sa mère n’arrivant toujours pas à réaliser qu’elle ne reviendrait plus. Et puis, il avait pris une décision. Il ne pouvait pas indéfiniment rester dans sa peine, ce n’est pas ce que Nancy voudrait. Il voulait alors vendre la maison, acheter un petit appartement. Mais en attendant, il devait trouver un endroit pour dormir. C’est pourquoi, il se décidait à frapper chez Aiden. C’était un ami de sa mère et il l’avait toujours bien aimé. C’est Pete, le petit garçon du jeune homme âgé de 11 ans qui venait lui ouvrir. Les deux garçons auraient pu être proches s’ils avaient partagé les mêmes passions. Mais quand Pete jouait au basket avec son paternel, Sacha préférait sa guitare. Les deux garçons tchéquèrent avant l’arrivée d’Aiden et le départ de Pete pour son entrainement. Cela tombait bien, Aiden devait absolument parler à l’adolescent. Celui-ci s’installa dans le canapé, ne se doutant encore pas de la gravité de ce que cet homme allait lui dire.

Il avait suffit de quelques mots pour que le ton monte entre les deux hommes. Les mots que Sacha avait eu pour Aiden avait été durs mais à la hauteur aussi de la colère qui l’habitait depuis la mort de sa mère. Et là, ça en était trop. Il attrapa sa valise avant de claquer la porte. Comment cet homme osait-il lui révéler aujourd’hui qu’il était son père ? Cela faisait 17 ans que Sacha vivait sans figure paternel, qu’il avait pris Aiden comme modèle sans pour autant le laisser trop entrer dans sa vie. Comment osait-il mettre cela sur le dos de Nancy ? C’était trop facile maintenant qu’elle était morte, qu’elle ne pouvait pas se défendre, pas s’expliquer. Comment Aiden osait-il salir la mémoire de celle qui avait toujours tout fait pour son fils, qui lui avait donner de l’amour et qui l’avait toujours gâté autant qu’elle pouvait. Non, c’était décidé, il ne pouvait pas rester chez lui, il ne voulait plus jamais revoir cet homme qui se prétendait être son père mais qui n’avait droit à ce titre que par un spermatozoïde qui trainait. Parce que dans les faits et encore plus depuis la naissance de Zoey puis de Pete, il était beaucoup moins proche de Sacha. Parce que lui n’était qu’un bâtard, parce que ce n’était pas son enfant à part entière. A présent, Sacha était plus que jamais seul.

Comment survivre lorsqu’on a dix-sept ans et qu’on débarque dans une ville inconnue ? Se servir de son cerveau, de son charisme, et de son visage d’ange. Il s’est servi de l’argent de la vente de la maison de sa mère pour s’acheter un appartement, pour vivre au quotidien. Personne ne sait qu’il est seul dans sa nouvelle ville. Chicago. Pas une ville choisie au hasard. En effet, il savait que sa mère était né ici et secrètement, il espérait retrouver sa famille. Il ignorait si Nancy avait des frères ou des sœurs, si ses parents étaient encore en vie. En tout cas, pas question pour lui de reprendre les cours et de faire des longues études. Il n'avait pas non plus la motivation pour travailler alors il avait commencé par trainer dans les rues, se faisant progressivement des connaissances et plongeant dans la drogue. Au début, il se contentait de fumer quelques joints en buvant quelques bières et en jouant de la guitare. Mais ses réserves s'étaient peu à peu épuisés et il n'avait plus de quoi se fournir en drogue. C'est là qu'il avait commencé à dealer. Et cela lui rapportait gros. Aussi, il avait continuer sans se faire prendre et se débrouillant même pour se faire une petite marge supplémentaire sur sa came.