« This is my past ... »

Quoi dire sur ma vie? Il n’y a pas tant de chose à raconter. À part quelques péripéties ici et là… Je suis né à Chicago. Ainsi, je n’ai pas d’histoires abracadabrantes à vous raconter sur une vie que j’aurais eue en Afrique, en Bosnie ou dans le fin fond de la Bulgare. On me trouve souvent des airs assez Européen mais on comprend vite par mon accent américain et mon anglais impeccable que je suis bel et bien de ce continent. J’ai donc passé mon enfance dans un appartement tout ce qu’il y a de plus ordinaires avec ma mère Elizabeth… Il y eut un père, aussi, avant mes deux ans… Mais je n’ai pas souvenir de lui et ma mère avait décidé de ne jamais le mentionner et ce même si je lui posais parfois des questions à son sujet. Le peu que j’ai pu apprendre de lui fut par une tante qui m’en dit bien peu, elle aussi, mais qui m’informa tout de même qu’il nous avait abandonné quand j’étais encore un bébé et qu’il était un excentrique doublé d’un alcoolique irresponsable. Il s’appelait Charles. C’est tout ce que je sais. Par ailleurs, je suis enfant unique.

En bref, sur les photos de famille éparpillée ici et là dans l’appartement, on ne voyait que ma maman, grande et fine, et moi, la petite tête blonde aux grands yeux.

« C’est une bien jolie petite fille que vous avez là. »

Mais, j’étais un garçon. On confondait déjà à l’époque. Ça devait être mes cheveux ou bien mes joues roses. Et mes longs cils. Puis, quand j’ai grandi, je suis devenu de plus en plus fin. À l’adolescence, j’avais simplement l’air d’une fille trop maigre pour avoir des seins. Et mon prénom unisexe n’aidait vraiment pas les gens à savoir quel était mon sexe. Puis, je laissais pousser mes cheveux. Tout ça ne plaisait pas à ma mère. Elle me disait que j’étais un bien joli garçon mais qu’il fallait que je mange plus, que je fasse plus de sport et que je me coupe les cheveux. Mais, je n’écoutais rien. Quand j’arrivais à l’école, je faisais comme toutes ces filles qui se cachaient de leur mère et allaient dans les toilettes enfiler leur mini-jupe, se maquiller et rembourrer leur soutien-gorge. Je faisais pareil.

Cette mascarade avait commencé concrètement quand j’avais 11 ans. J’avais eu cette envie irrésistible d’essayer les talons de ma mère, qui étaient bien trop grands pour moi, l’une de ses robes… Ma mère était rentrée dans la chambre alors que je colorais mes lèvres de son plus beau rouge à lèvres. Elle m’a giflé, puis puni. Je n’ai jamais compris comment elle avait pu comprendre, en cet instant, ce que j’allais devenir. Comment elle avait deviné que ce bâton de rouge à lèvres était plus que des pitreries de môme. Je n’ai jamais su. Mais, ça n’a plus d’importance. Ça a continué. Je continuais, en cachette, plus prudent. Je ne voulais pas d’une nouvelle gifle. Mais, à 16 ans, il n’était plus question d’avoir peur de cette mère que j’appelais maintenant Elizabeth. Je voulais m’assumer et je voulais surtout la faire chier, l’enrager. Ma féminité devint un sujet de révolte et de disputes chaque fois renouvelé. Sans parler de mon penchant pour les hommes… J’avais désormais mon premier petit copain. Peut-être 6 mois plus tard, elle me foutait à la porte de la maison.

Ainsi, je suis allé vivre quelques temps chez mon amoureux. Il s’appelait Alex, il avait 26 ans et ne vivait plus chez ses parents depuis un bon moment. Il était beau, grand, fort et à tomber. Mais, il était aussi possessif et violent. Pendant 1 an, chaque matin, je me réveillais dans son lit. Puis, un autre matin, je me suis réveillé à l’hôpital. J’avais reçu le coup de trop. Je ne l’ai plus jamais revu, d’ailleurs. Et comme ma mère ne voulait plus me parler, je me suis rapidement retrouvé à la rue. C’est comme ça que j’ai commencé à me prostituer. Il me fallait de l’argent et vite. Et comment gagner de l’argent rapidement? En vendant son corps. Au début, je ne me sentais pas très bien. Je devais avoir quelques conflits moraux… Mais, ça m’a vite plu, au final. Vraiment, j’aime mon travail. C’est sincère.

Avec cet argent, j’ai réussi à avoir un appart’, les vêtements que ma mère m’avait toujours refusé, le maquillage dont j’avais toujours rêvé, la drogue que j’ai toujours aimé à l’époque où j’étais avec Alex. Et, après toutes ces années de tapin, j’ai réussi à garder une certaine dignité et à ne travailler pour personne d’autre que moi-même.

Fier d’être pute.